Histoire

Lou a toujours eu la tête dans les étoiles. Ou plutôt, le nez dans les dessins. L’école, il n’a jamais aimé ça. Le dessin est un véritable don. Alors que ses camarades d’école dessinaient des bonhommes bâton, lui il en était déjà au point de fuite. Il n’a pas eu son diplôme avec mention, mais il a réussi à décrocher une bourse dans une université donnant des cours d’arts.

Il faut dire que Lou vient d’Angleterre, d’une petite bourgade perdue, non loin de la mer, un jour de mars, sous la pluie dans le dispensaire du coin. Sa mère était une couturière comme il en existe tant d’autre, son père, il était… bah, il n’a jamais su qui il était. Il a grandi dans cette famille monoparentale comme un gamin quelconque. Il a toujours été généreux, gentil, il a toujours était un « gentil petit garnement ».

C’est comme ça qu’elle l’appelait, sa mère. Et puis un jour… sa mère ne l’a plus appelé. Il était encore bien jeune, il est rentré de l’école par le bus, elle n’était plus là. Il est resté toute la soirée à l’attendre. Elle n’est jamais rentrée. Prostré dans le canapé, il a attendu, une heure, deux, trois, cinq, huit, sans bouger. Ce qui lui a fait tourner la tête, c’est les lumières flashouillantes des gyrophares silencieux de la Police qui s’arrêtaient devant chez lui.

On lui a dit certaines choses que son esprit a volontairement oublié. Le gamin a été trimbalé de gauche à droite et du nord au sud, jusqu’à une famille d’accueil, plus stricte, plus sévère, plus froide, moins souriante, moins câline, moins agréable. Une, deux, trois, c’est la quatrième famille qui le retient un peu plus longtemps. C’est cette famille-là qui l’incite à faire quelque chose de bien dans sa vie.

Mais elle est arrivée trop tard, cette famille. Car l’adolescence l’avait déjà dénaturé. De gentil petit garnement, il était devenu un ado rebelle, vindicatif et solitaire. Il a trainé dans des petits larcins, il a découvert l’alcool à 14 ans, les prostitués l’année d’après et la drogue en même temps. C’est à 17 ans que la quatrième famille l’accueille après un court séjour en maison de redressement. Mais les dommages étaient déjà fait.

Pourtant, il intègre cette université sur les arts, grace à ce don qui pour lui n’en était pas un. Il apprend enfin ce qu’il aime et ce qu’il fait. Il se met, malgré tout, à travailler dur pour obtenir un nouveau diplôme. En réalité, il aime ce qu’il fait à un tel point qu’il en oublie, un temps les bassesses du monde adolescent. Mais cela ne tient que quelques années, une fois le diplôme en poche, il recommence ses âneries. N’ayant plus de repère, étant adulte, il se retrouve un peu livré à lui-même et il erre dans la capitale shakespearéenne quelques années, redécouvrant la drogue et même une certaine forme de prostitution afin de pouvoir manger et dormir au chaud.

Le temps passant, il trouve cependant le moyen de partir vers la capitale française. Il y apprend la langue, difficilement, mais désormais, à force de devoir parler, il n’a quasiment plus d’accent, peut-être encore là, un don pour les langues ? Qu’en sait-il… Il trouve un emploi chez un tatoueur et pendant deux ans, il devient son apprenti. Puis par l’argent accumulé, même si ce n’est pas énormément, il quitte la banlieue pour Montmartre et rencontre Marcel Delacroix. Ensemble ils parviennent à trouver un compromis. Lou pourra jouir du tout petit local au sein même du café pour tatouer. Une mini échoppe de tatoueur dans un café. Original, non ? En tout cas, Lou ne pouvait rêver mieux.